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Écouter nos forêts #2 : Des plantes sans photosynthèse en Europe

Monotropa hypopitys, dit Monotrope sucepin

Dans un précédent article, nous avons parlé des plantes non-chlorophylliennes qui émaillent les sous-bois de l’Amazonie et des Caraïbes à la saison des pluies.

 

Si vous aviez loupé ça, c’est par ici.

 

Par chance, les forêts européennes ne sont pas en reste quant aux plantes sans photosynthèse ! Bien qu’elles en comptent moins, elles sont plus étudiées, et nous disposons de davantage de données sur nos curiosités naturelles préférées. On repart donc en promenade, mais cette fois-ci en zone tempérée, et on vous emmène avec nous.


Quelques rappels

Les plantes non-chlorophylliennes sont de vraies battantes qui vivent le plus souvent à l’ombre des sous-bois et qui viennent remettre en question notre vision du monde végétal. En effet, les plantes sans photosynthèse : 

  • sont dépourvues de feuilles et de chlorophylle, ce pigment qui colore les plantes en vert.
  • ont dû élaborer des stratégies pour survivre, en s’associant par exemple aux racines d’une plante par le biais de champignons présents dans les sols.

On observe souvent les plantes non-chlorophylliennes au printemps et elles ne sont pas rares. Même si les estimations varient sur leur nombre, on sait qu’il en existe plusieurs centaines d’espèces dans le monde

Et en Europe alors ?

On ne trouve pas les mêmes plantes sans photosynthèse dans les forêts tropicales et en Europe. Dans nos contrées tempérées, il y aurait une quinzaine d’espèces au moins, réparties depuis la Grèce et les Balkans jusqu’aux côtes atlantiques.

 

Parmi nos favorites, la Lathrée clandestine n’a été observée que dans l’Ouest du continent, alors que la répartition de la Néottie nid d'oiseau (visible à droite) s’étend jusqu’en Europe occidentale.

 


On vous montre ça tout de suite : 

Portrait : la Lathrée clandestine

 

Lathraea clandestina apparaît au printemps en Hexagone, mais aussi en Grande-Bretagne, en Belgique, en Espagne et en Italie. Elle est parfois volontairement introduite dans les jardins pour sa floraison violette qui rappelle celle du crocus.  

 

Pour survivre, cette plante appose directement des suçoirs sur les racines de son hôte. Après sa floraison, elle produit des capsules qui explosent et projettent leurs graines sur plusieurs mètres ! Les plantules peuvent ensuite mettre jusqu’à 10 ans pour produire leurs premières fleurs. 

 

Dernier détail étonnant, et pas des moindres, la Lathrée clandestine cache sous la terre des tiges écailleuses pouvant peser plus d'un kilo. 



Portrait : la Néottie nid d’oiseau


 

 

Neottia nidus-avis fait quant à elle partie des plantes non-chlorophylliennes les plus étudiées. Son nom lui vient de l’enchevêtrement de ses racines, qui rappelle celui d’un nid d’oiseau.

 

En France, en Suisse, en Belgique et au Luxembourg, cette orchidée peut facilement être observée entre mai et juillet. Elle mesure plus de 10 centimètres et sa couleur varie du brun-jaune au roussâtre.

 

C’est une myco-hétérotrophe, c’est-à-dire que cette espèce a établi un lien symbiotique avec une plante-hôte et un champignon présent dans les sols.



Des plantes qui ont su trouver leur place

Lathraea clandestina                                                                      Lathraea squamaria                                                                    Monotropa uniflora

Dépendantes d’arbres, de plantes et de champignons pour survivre, les plantes sans photosynthèse sont souvent considérées comme des parasites. Heureusement, dans la majorité des cas, elles ne représentent aucun danger pour leurs hôtes et sont même souvent protégées, en France comme à l’étranger.

 

C’est donc la conscience tranquille que l’on peut apprécier ces floraisons uniques et la richesse qu’elles représentent pour les pollinisateurs. De l’Amazonie au continent européen, ce sont des centaines d’espèces aux spécificités déroutantes qui parsèment les forêts et leurs orées. Elles nous permettent de réfléchir à cette notion de “parasitisme” ainsi qu’aux multiples relations déséquilibrées qui se créent sous les canopées et qui, contre toute attente, se révèlent enrichissantes.


Article proposé par Laure, de l'équipe Run for Planet
Pour la retrouver : linkedIn.com


Retrouvez le précédent article sur cette thématique !

Références :

Sur les plantes non-chlorophylliennes :

  • ATHAN R. LEAKE (2005). Plants parasitic on fungi: unearthing the fungi in myco-heterotrophs and debunking the ‘saprophytic’ plant myth. Mycologist, 19, pp 113-122. Doi:10.1017/S0269915X05003046
  • Marc-André SELOSSE, Mélanie ROY, Les plantes qui mangent les champignons, Pour la Science, dossier n°77, Octobre-Décembre 2012. Consultable en ligne : https://www.tela-botanica.org/actu/IMG/dossier_77_p102107_selosse2.pdf

Sur Lathraea clandestina : 

Sur Neottia nidus-avis : 

  • Jana JERSAKOVA, Julita MINASIEWICZ, Marc-André SELOSSE,  Biological flora of Britain and Ireland: Neottia nidus-avis. Journal of Ecology, vol. 110, 2022. Doi : https://doi.org/10.1111/1365-2745.13953

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