
La fôret Guyanaise
On nous a tous appris qu’une plante a au moins des racines, une tige et des feuilles qui libèrent de l’oxygène à l’issue du processus de photosynthèse. Sur les bancs de l’école, on nous a expliqué que cette photosynthèse est rendue possible par la présence de pigments verts appelés chlorophylles.
Cependant, la nature a davantage d’imagination que cela. Aujourd’hui, laissez-nous vous emmener en balade en forêt tropicale et vous présenter en quelques lignes le royaume insoupçonné des plantes sans chlorophylle.
Ne rien faire comme les autres, ou presque
Les plantes non-chlorophylliennes sont de vraies originales. Pas de photosynthèse, cela veut dire pas besoin de feuilles pour capter la lumière. En effet, ces espèces appartiennent à diverses familles de végétaux et elles ont évolué au fil des siècles pour s’adapter à l’ombre des sous-bois. Beaucoup possèdent de petites écailles, qui sont en fait des vestiges de feuilles devenues inutiles. Heureusement, l’essentiel est resté : des fleurs parfois étonnantes, qui se transforment en fruits, avant que la plante ne disparaisse jusqu’à l’année suivante.
Autre spécificité, les plantes sans chlorophylle ne sont pas en mesure de produire la matière organique dont elles ont besoin pour survivre, comme le font les autres plantes. Elles ont donc trouvé différentes méthodes pour assurer leur apport en eau et en nutriments.

Les Voyrias, des myco-hétérotrophes


On peut facilement observer Voyria rosea (rose) et Voyria aurantiaca (jaune) dans la forêt amazonienne de la Guyane française, du Vénézuela, du Guyana et du Suriname. Ces deux espèces font une rapide apparition pour évoluer de la fleur au fruit lors de la saison des pluies, entre janvier et octobre.
Voyria rosea et Voyria aurantiaca sont ce que l’on appelle des myco-hétérotrophes, des organismes qui se connectent au réseau racinaire de plantes-hôtes par le biais des champignons présents dans les sols. Une fois le lien établi, certaines espèces de myco-hétérotrophes prélèvent ce dont elles ont besoin sans rien rendre, quand d’autres développent une relation symbiotique qui les unit au champignon et à la plante-hôte.
Des espèces qui n'ont pas besoin de champignons

Helosis cayennensis est visible en forêt tropicale et subtropicale, depuis l’Amérique centrale jusqu’au sud du Brésil, en passant par le bassin caribéen. Ses pousses ressemblent à des champignons mais c’est bel et bien une plante que l’on voit là. Elle aussi sort de terre en saison humide pour assurer sa reproduction. Les petites écailles qui émaillent la partie ronde tombent alors pour dévoiler des fleurs mâles (visibles à gauche sur la photo) ou femelles. Ces dernières ressemblent à un duvet blanc ; elles font partie des plus petites fleurs au monde.
Pour assurer sa survie, Helosis cayennensis appose directement ses suçoirs souterrains sur les racines de sa plante-hôte, sans passer par un champignon. En sa qualité de parasite, elle prélève sa nourriture sans rien apporter à son hôte en retour.
D'autres possibilités ?
Photos Laure Montoya ©
Enfin, certaines espèces non-chlorophylliennes n’auraient même pas besoin d’hôte et se nourriraient de la matière organique décomposée qu’elles ont à disposition, parfois par le biais d’un champignon. Bien que cette hypothèse soit remise en question dans la communauté scientifique, on parlerait alors de plantes saprophytes.
Mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’il n’y a pas de vérité absolue quand on parle de ces nombreuses espèces éphémères des sous-bois. La seule règle commune semble être cette absence de chlorophylle, qui remet en cause nos croyances sur les végétaux. C’est donc aussi pour cela que nous avons besoin des forêts et des arbres : parce qu’ils abritent des plantes remarquables, parce qu’ils n’ont pas fini de livrer tous leurs secrets… et parce qu’ils enrichissent du même coup la merveilleuse diversité du monde vivant.
Article rédigé par Laure Montoya
Sources :
- Plaquette du Parc Amazonien de Guyane sur les plantes sans chlorophylle
- Données d’iNaturalist et de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN)
- JONATHAN R. LEAKE (2005). Plants parasitic on fungi: unearthing the fungi in myco-heterotrophs and debunking the ‘saprophytic’ plant myth. Mycologist, 19, pp 113-122. Doi:10.1017/S0269915X05003046
Sur Helosis cayennensis
Article de la Botanical Society of America :
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