
Réflexion sur les stratégies de protection des arbres et des forêts dans le monde

Le rôle des forêts
Tous - scientifiques, gouvernements, entreprises, citoyens - avons pleine conscience du rôle essentiel que joue la forêt dans la préservation de la biodiversité de notre Terre, la régulation du climat, la qualité de l'air et la rétention de l'eau.
Les forêts :
- Procurent un habitat à 80% des espèces d'amphibiens, 75% des espèces d'oiseaux et 68% des espèces de mammifères,
- Fournissent un large éventail de services écosytémiques, notamment des médicaments, de la nourriture, de l'eau, de l'air pur, de l'ombre et des espaces pour se détendre.
Malgré cela, la déforestation, la dégradation et l'exploitation illégale des forêts se poursuivent de manière préoccupante.
Avant de nous poser la question "Pourquoi cela arrive-t-il ? " - nous en connaissons les raisons - nous devrions nous demander "Comment cela est-il rendu possible ?"
Cela est rendu possible car selon de droit civil, l'arbre est considéré comme un bien immeuble par nature, indissociable du sol auquel il est attaché, un bien ayant une valeur marchande et financière. Il appartient au propriétaire du terrain, qui dispose donc du droit de l'exploiter, de le déplacer, le couper et donc... de le détruire.
Cette conception patrimoniale et marchande, ne prend pas en considération un fait avéré : l'arbre est un être vivant, autonome et essentiel à l'équilibre de nos écosystèmes.


Les avancées scientifiques ont montrées que les arbres interagissent entre eux (communiquent, se protègent, s'entraident, se défendent) grâce à des réseaux biologiques complexes qu'ils forment avec les sols et les champignons (mycorhizes).
Face à cette constatation, il devient essentiel de dépasser la logique de propriété et de la valeur marchande pour envisager une approche fondée sur le respect du vivant et reconnaître à l'arbre sa valeur écologique.
Évolution vers la reconnaissance d'un droit de la nature et d'un droit de l'arbre

Cette prise de conscience pousse de plus en plus de juristes, écologiques et citoyens à envisager une évolution du droit.
Pourquoi ne pas reconnaître à l'arbre, et plus largement à la forêt, un statut juridique propre, fondé sur sa valeur écologique ?
Certains pays, comme la Nouvelle-Zélande, l'Équateur et la Colombie, ont déjà ouvert la voie en reconnaissant des droits à des entités naturelles (fleuves, forêts) en tant que sujets de droit.
- La forêt amazonienne colombienne a été reconnue comme sujet de droit par la Cour suprême du pays le 5 avril 2018.
- Le Parlement néo-zélandais a reconnu le 14 mars 2017 la rivière Whanganui comme une entité vivante et l'a doté d'un statut juridique propre.
- En septembre 2008, la République de l'Équateur est devenue le premier pays au monde à incorporer dans sa Constitution les droits de la nature (chapitre 7 de la Constitution).
- Le 10 novembre 2021, la Cour constitutionnelle de l'Équateur a interdit toute activité minière dans la forêt de protection de Los Cedros, appliquant ainsi pour la première fois ce droit constitutionnel.


L'Organisation des Nations Unies appelle également à une nouvelle gouvernance écologique ; en particulier, en 2012, l'Assemblée Générale de l'ONU dans sa résolution (A/RES/66/288) issue de la Conférence de Rio, note que certains pays reconnaissent les "droits de la nature dans le cadre de la promotion du développement durable" et est convaincue que "pour parvenir à un juste équilibre entre besoins économiques, sociaux et environnementaux des générations actuelles et futures, il est nécéssaire de promouvoir l'harmonie avec la nature" et appelle les États "en faveur de l'adoption d'approches globales et intégrées du développement durable, qui conduiront l'humanité à vivre en harmonie avec la nature à agir pour rétablir la santé et l'intégrité de l'écosystème terrestre".
En France, plusieurs acteurs engagés, militent activement pour faire évoluer le statut juridique de l'arbre vers la reconnaissance de son caractére d'être vivant, et non plus seulement de "bien immeuble" :
- Valérie Cabanes - Juriste et figure majeure du droit de la nature qui se bat, notamment aux côtés d'ONG et des associations, pour que soit reconnue la notion d'écocide dans le droit international (cette notion, a été reconnue par les instances européennes le 30 novembre 2023).
- L'association A.R.B.R.E.S (Arbres Remarquables, Bilan, Recherche, Études et Sauvegarde)
- Le Parlement de Loire


C'est dans ce contexte que se développe également l'idée de reconnaître l'arbre, et plus largement la forêt, non seulement comme un éléments à protéger, mais comme un "bien commun". Cette notion, développée notamment par Garrett Hardin (Ecologue) et la Prix Nobel Elinor Ostrom (Économiste), désigne les ressources naturelles, qui, bien qu'elles puissent être situées sur des terrains privés ou publics, concernent l'ensemble de la communauté humaine.
Attribuer un tel statut à l'arbre lui permettrait d'être respecté et de bénéficier des droits fondamentaux à exister et à être protégé.
Mais lui reconnaitre ce droit ne suffit pas ; il faut également lui offrir des garanties et se donner les moyens pour le faire respecter. Il faut disposer d'outils (des drones notamment) et désigner des "gardiens", chargés de protéger les arbres et les forêts contre toutes infractions à leur encontre, aussi bien sur le terrain que devant les Tribunaux.
En redéfinissant les statut juridique des arbres et des forêts, en ne réduisant plus l'arbre à sa seule valeur marchande, nous changerons la nature de nos relations avec notre environnement.
L'Humanité n'est pas supérieure à la Nature,
elle en fait partie intégrante.
Article proposé par Magali da COSTA, de l'équipe All Around the Planet
Sources :
- Corte Constitucional del Ecuador - Sentencia No. 1149-19-JP/21
- Résolution de l'ONU 66/288 "L'avenir que nous voulons" - 27 Juillet 2012 - point 39
- https://valeriecabanes.eu
- https://www.arbres.org/ Le 5 avril 2019, A.R.B.R.E.S adopter la déclaration des droits de l'arbre qu'elle a rédigée, lors d'un colloque à l'assemblé nationale. Cette déclaration est destinées à sensibiliser les pouvoirs publics au respect des êtres vivants que sont les arbres et à leurs protection. L'association propose aux municipalités de l'adopter symboliquement. Depuis 2019, de nombreuses municipalités y adhèrent chaque année.
- https://www.parlementdeloire.fr/
- La Gouvernance des biens communs : pour une nouvelle approche naturelles - Elinor Ostrom - 1990 La tragédie des biens communs de Garret Hardin - 1968
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